Rapport Refondation de la politique d'intégration (2013)

En 2012, le premier ministre Jean-Marc Ayrault annonce, dans son programme de politique générale, un projet de "refondation de la politique d'intégration". Après la suppression du Haut conseil à l'intégration (HCI) en décembre 2012, il confie au conseiller d'Etat Thierry Tuot le soin de rédiger un rapport visant à dessiner de nouvelles perspectives politiques. Remis en février 2013, ce rapport intitulé La grande nation : pour une société inclusive préconise un changement de paradigme, l'"horizon" d'une "société inclusive", dans la mesure où "les défauts de l’intégration sont d’instrumentaliser ses destinataires en en faisant des sujets passifs, de supposer un parcours temporel qui se prête mal aux réalités des trajectoires personnelles hétérogènes, d’exiger de définir les publics qu’on sait observer mais pas subsumer sous une variable autre que celle dont on veut gommer les effets, qui stigmatise au moment où l’on veut que cesse le stigmate" (p.14).

Par suite, le gouvernement décide d'impliquer les différents ministères dans ce chantier, et lance ainsi cinq groupes de travail interministériels : "Mobilités sociales" (éducation, emploi, formation), "Faire société" (citoyenneté, services publics, dialogue avec la société civile), "Habitat" (ségrégations urbaines, ruralité, mobilité géographique), "Connaissance reconnaissance" (culture, histoire, mémoire) et "Protection sociale" (prévention, accès aux droits, personnes âgées). La direction en est confiée très largement à des personnes de la "société civile" impliquées sur ces problématiques. Olivier Noël (avec Ahmed Boubeker) et Fabrice Dhume (avec Khalid Hamdani), notamment, sont chargés respectivement de codiriger les groupes de travail "Faire société" et "Mobilités sociales". Ces groupes vont réunir plusieurs dizaines de personnes - issues des institutions et administrations publiques, de syndicats, d'entreprises ou de groupements patronaux, d'associations et collectifs, de la recherche en science sociales... - qui travaillent de juillet à octobre 2013.

Les rapports rendus par ces groupes ont pour la plupart en commun de proposer, en continuité avec le rapport Tuot, un changement de paradigme et un changement d'approche : mettre au coeur des enjeux politiques un travail sur les processus de discrimination et de racialisation qui minent la société française, en sortant d'une approche "par le haut" de l'action publique qui s'est révélée à la fois peu démocratique et inefficace. Ces rapports sont publiés en octobre sur le site du Premier ministre et sur le site de la Documentation française sans faire l'objet d'une présentation, d'une contextualisation ni d'une publicité particulière - le gouvernement continuant à travailler la future "feuille de route".

Un mois plus tard, une polémique est déclenchée par Le Figaro, qui s'appuie sur d'anciens membres du HCI pour incriminer ces travaux, à travers un virulent discours ethnonationaliste. Cette polémique conduira à l'enterrement des rapports et des propositions avant même leur discussion, ainsi qu'à une reculade politique du gouvernement (de l'effacement des rapports du site du Premier ministre jusqu'à la réduction de la "feuille de route" à des propositions convenues visant expressément le consensus).

En contre-feu à la polémique médiatique et à la stratégie d'enterrement de ces questions, pourtant fondamentales pour l'avenir de la société française, diverses initiatives émergent, de 2013 à 2015, qui conduisent à organiser la discussion publique de ces rapports, de leurs propositions, ainsi que de l'épisode politique de 2013 et de la polémique. Cette page vise à faire trace des principales initiatives, afin d'inviter à prolonger le débat public.

Rapport : Faire société commune dans une société diverse
Auteurs : Olivier NOËL, Ahmed BOUBEKER

Rapport au Premier ministre, groupe de travail "Faire société", Refondation de la politique d'intégration, octobre 2013.

(Extrait de l'introduction) "Liberté, égalité, fraternité et laïcité, sont les valeurs et principes fondateurs de la république française. Si ces valeurs ont vocation à protéger et à émanciper, force est de reconnaître que le modèle français d’intégration tel qu’il s’est développé au milieu des années 80, en même temps que la politique de la ville ou les politiques d’insertion, et qui ont prévalu jusqu’à présent, peinent à conférer à ces valeurs fondamentales une effectivité, une réalisation concrète pour l’ensemble des concitoyens particulièrement pour les descendants d’immigrés coloniaux et postcoloniaux. Ces derniers, bien que français, bien qu’ayant grandi en France, ayant fait leurs études dans l’école de la république française, développé une activité dans l’économie française, fondé un foyer sur le sol français, contribué à enrichir culturellement la société française restent encore, trop souvent, perçus comme des français illégitimes érigeant ainsi, au sein même de la société française une frontière intérieure symbolique qui rend difficile, actuellement, toute construction d’une société commune. L’épuisement des référentiels politiques (intégration, politique de la ville, prévention de la délinquance, insertion), contemporains de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, est lié, selon nous, à la manière de considérer le problème, imputant aux seules classes populaires la responsabilité de leur non insertion, et aux seuls immigrés et à leurs descendants la responsabilité de leur supposée non intégration exonérant l’Etat et la société de toute forme de responsabilité."

Accéder au rapport, en libre accès sur le site Vie-publique à partir de la petit flèche :

ici